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Zones industrielles genevoises : quels enjeux ?

2018

Depuis plusieurs années, l’immobilier commercial industriel genevois est en pleine transformation : demande soutenue, projets novateurs et rationalisation des espaces. Afin de mieux comprendre les tendances du marché, Anne-Pascale Marchand, notre spécialiste des surfaces industrielles, nous éclaire sur ce sujet.

Comment les surfaces industrielles et artisanales sont-elles définies ?

Les locaux industriels rassemblent les ateliers, les locaux de production, les laboratoires, les locaux de stockage et administratifs situés en zones industrielles. Ce qui définit la zone industrielle à Genève est l’affectation du foncier. Les activités admissibles en Zone de Développement Industriel et Artisanal (ZDIA) ou en Zone Industrielle et Artisanale (ZIA) sont définies par le RAZIDI sous le contrôle de la Fondation pour les Terrains Industriels de Genève (FTI)

Quelle est la demande sur le marché des locaux industriels à Genève?

La demande est soutenue  et elle est issue de divers vecteurs. Une partie vient des zones industrielles qui vont être réaffectées pour accueillir à terme des logements et autres bâtiments administratifs. Ceci concerne notamment les zones du PAV (Praille - Acacias - Vernet), des Charmilles ou de Vernier. Un grand nombre d’entreprises sont ainsi contraintes de se relocaliser en périphérie. 

Il y a également des entreprises qui voient leurs locaux de production vieillir et qui cherchent à se développer dans des locaux plus efficients. Tous les types de secteurs sont touchés comme par exemple la logistique, la sous-traitance horlogère, la micromécanique et l’agroalimentaire. 

Enfin, certains secteurs en pleine croissance cherchent à développer leurs activités telles que les sociétés informatiques et high-tech, les techniques du bâtiment, ainsi que la R&D notamment dans les secteurs pharmaceutiques et médicaux.

Cette demande est issue d’une dynamique locale car il existe peu de nouveaux entrants sur le marché. En effet, très rares sont les entreprises exogènes qui viennent s’installer. 

Quelles solutions sont proposées aux PMEs et grandes entreprises ?

Cette demande soutenue a conforté plusieurs développeurs dans leur décision de lancer de grands projets industriels actuellement en cours de construction. Ces projets répondent aux contraintes de densification exigées par le Canton tout en se conformant aux besoins de hauteurs et d’accessibilité de la majorité des industries modernes. Cette offre grandissante de locaux industriels crée des opportunités de déménagement dans un marché jusqu’à présent très sec. 

Pouvez-vous nous donner des exemples de ces projets en construction ?

Le projet QUARTET aux Charmilles est original car il est le premier campus mixte en plein centre-ville incluant près de 65% de surfaces industrielles et artisanales. On fait venir l’industrie en centre-ville alors qu’ailleurs on l’en chasse ! QUARTET comprend 47’000m2 de surface dont deux bâtiments déjà livrés début 2018. Un des moteurs de ce projet est la présence de la Haute École d’Art et de Design (HEAD) qui participe activement à l’esprit du campus et attire des secteurs d’activité créatifs. Cela crée un environnement stimulant et des synergies entre les entreprises.

Hors du centre-ville, y-a-t-il d’autres zones favorisant la mixité ?

Le projet ATRIUM PARK à Meyrin est un excellent exemple de construction en Zone de Développement Artisanale Mixte (ZDAM) où 40% des surfaces sont destinées à des activités de services tertiaires et 60% à l’industriel. Situé devant la gare ZIMEYSA, en face du Campus Richemont, c’est un des premiers projets bénéficiant de la mixité de la ZDAM et de l’intensification du trafic du Réseau Express Régional. Aujourd’hui, il est extrêmement simple de se rendre en train en pleine zone industrielle de Meyrin et de bénéficier sur place des services de proximité répondant aux besoins des utilisateurs. 

Une large majorité de ces projets proposent des locaux à louer. Existe-t-il des surfaces industrielles à vendre? 

Aujourd’hui les opportunités d’acquisition sont effectivement très rares car peu de promoteurs sont d’accord de vendre. Il n’y a qu’un projet à Genève qui propose des lots PPE ou des bâtiments à la vente, c’est l’ESPACE TOURBILLON à Plan-les-Ouates. C’est en outre une opportunité unique de devenir propriétaire en pleine propriété foncière dans un Canton où les droits de superficie sont légion. Avec la pleine propriété, nous répondons à une préoccupation de certains industriels qui se voient aujourd’hui fortement priés de quitter le PAV. Les taux bas actuels rendent cette proposition d’autant plus attractive pour les entreprises désirant devenir propriétaires de leurs locaux.

Quelles sont les limites de ces grands projets et du marché?

Les hôtels industriels sont d’excellentes solutions pour la grande majorité des entreprises pour lesquelles l’optimisation des outils de production permet de s’implanter dans des bâtiments denses en étage. Il y a tout de même une partie de l’industrie qui a du mal à s’intégrer dans les grands projets. Les entreprises à faible marge, par exemple, dans les métiers du bois, de la métallurgie ou de l’automobile n’ont guère une capacité à payer plus de CHF 150.-/m2/an. Ils requièrent en outre des locaux en rez-de-chaussée souvent de très grande hauteur et incluant des accès directs qui s’intègrent donc très mal dans les nouveaux complexes denses et mixtes.

Les contraintes imposées aux développeurs en matière de densification et de normes environnementales renchérissent les prix de construction, et donc de location, et surtout ne permettent pas de concevoir à Genève des locaux de type “halle de production bon marché” dont ces industries ont besoin. 

Il existe par conséquent une tranche de l’industrie pour qui on ne peut pas construire. On peut alors se poser la question aujourd’hui : est-ce que la solution pour ces entreprise n’est pas la délocalisation ? Ou bien peut-on construire autour de leur structure un nouveau cadre réglementaire qui pourrait leur correspondre afin d’éviter cette dernière ? Pour le moment, les locataires ou superficiaires prolongent au maximum leur bail, respectivement contrat de superficie, afin de ne pas avoir à se déloger de la région genevoise. Mais jusqu’à quand ?

Dernière limite et de taille, le nombre de places de parking autorisé pour ces nouveaux développements est très largement en dessous des besoins d’entreprises industrielles.